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Faites de la culture un atout dans votre parcours Lean

Lean & Toyota

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le système de production Toyota (TPS) – plus tard popularisé sous le nom de Lean – est la plus “benchmarquée” de l’industrie moderne?

Non seulement les plus grandes entreprises dans le monde ont adopté le TPS, mais de nombreuses autres s’en sont inspirées pour convevoir leurs propres systèmes de production. Seules quelques unes ont réussi à atteindre les résultats impressionnants du constructeur automobile.

Le « Toyota Production System » s’inspire de l’expérience du groupe Toyoda (ancêtre de Toyota) en matière d’automatisation des métiers à tisser, et de différentes méthodes comme les flux de production de Ford, le Taylorisme, les concepts de contrôle qualité de Deming ou encore la gestion d’inventaire des supermarchés américains.

Les constructeurs japonais Toyota et Nissan ont tous deux acquis leur savoir-faire en matière de production automobile aux États-Unis. Mais alors que Nissan a opté pour le système de production de masse de Ford avec très peu de modifications, Toyota l’a adapté, prenant en considération les spécificités du contexte japonais, ainsi que les caractéristiques de son marché à la fois hétérogène et fragmenté.

Le terme de Lean manufacturing, c’est-à-dire la production selon la méthodologie TPS, sera popularisé dans les années quatre-vingt-dix avec la publication du livre « Le système qui va changer le monde».

Le Lean est une approche à la fois globale, s’appliquant au sein d’un contexte qui place l’individu au centre, et dynamique, intégrant progressivement de meilleures pratiques. Les approches holistiques et dynamiques sont intimement ancrées dans la culture nipponne. L’utilisation de la terminologie japonaise n’est d’ailleurs pas anodine. Le langage constitue un prisme majeur dans notre vision du monde. En utilisant leur propre langue, les employés nippons de Toyota saisiront davantage les réalités derrière les mots et les concepts que leurs homologues étrangers.

 

 

Biais

« Si vous envisagez de faire du TPS, vous devez le faire jusqu’au bout. Vous devez également changer votre façon de penser. Vous devez changer votre façon de voir les choses. »

                                                                                                                                                                                                                Taiichi Ohno

 

La perception est le résultat d’une combinaison de facteurs structurant la pensée comme les attributs individuels (genre, origines, religion, langue…) et les expériences (formation, études, rencontres…). Or les êtres humains ont tendance à considérer que leur perception est partagée par tous. Le Lean n’échappe évidemment pas à la règle…

Le concept culturel du Lean permet une contextualisation du Lean en exposant les référentiels en présence. Il y a d’abord le prisme des  « architectes » du Lean, Japonais et Toyotiste. Il y a ensuite les prismes des décideurs et enfin celui de « ses praticiens ». Le Lean est une démarche d’apprentissage, une façon de réfléchir sur la situation actuelle, et sur la manière de pouvoir l’améliorée à l’aide d’outils. Appliquer des pratiques qui ont fait leurs preuves ailleurs sans les contextualiser produit l’effet inverse. C’est une dérive facile qui constitue un frein à la résolution des problèmes. De solutions toutes faites traitent, au mieux, des symptômes.

Aborder le Lean comme une culture en soi ouvre de nouvelles perspectives. Comme toutes les cultures, le Lean est complexe et possède ses pratiques (us et coutumes). Pour un grand nombre de dimensions culturelles, nous pouvons classer la culture Lean à côté des cultures nationales (distance hiérarchique, prise de décision, individualisme contre collectivisme, application des règles, gestion du temps, prise de risque, etc.). Ces orientations culturelles peuvent avoir un impact (positif ou négatif) sur les routines et les processus. Pour que les gens adoptent une nouvelle culture au travail, ils doivent à minima avoir conscience de leur propre cadre de référence culturel et partager la vision de la nouvelle culture. Le Lean se deploie au sein d’uen culture nationale mais également au sein d’une culture organisationelle dont il faut tenir compte. La “Maison du Lean” est un écosystème complet avec des personnes en son centre, ce qui signifie qu’il existe des paradoxes culturels qui doivent être gérés.

Identifier ces delta et mettre en œuvre des stratégies pour les intégrer dans le déploiement Lean est la clé du succès!

En plus d’une compréhension approfondie du Lean, l’acquisition d’une expertise interculturelle est un moyen infaillible d’apprendre à réviser sa «pensée» comme le préconise Taiichi Ohno – un pionnier du TPS. Cette expertise développe l’humilité. Elle enseigne la capacité à reconnaître ses propres biais et mène à élargir sa vision du monde et des autres.

 

 

Le Lean & le Japon

 

Il n’existe pas de « penchant culturel » japonais pour le Lean, et il serait faux de croire que ses pratiques sont intrinsèquement une expression de la culture nippone. Le Lean n’est d’ailleurs pas plus présent au Japon qu’ailleurs. En revanche la grille de lecture culturelle du Lean est japonaise, et sa grille de lecture environnementale est toyotiste.

Le Lean management pourrait-il alors se mouvoir, selon sa philosophie originelle, au-delà des frontières du Japon ?

Toyota a étendu son système de production à travers 52 usines établies dans 27 pays. Le groupe y a enseigné son modèle de production qui a été, par la suite, appliqué aux différents contextes, voire amélioré par certaines de ses filiales étrangères. Dans le livre Toyota Culture, Jeffrey Liker explique que l’un des principaux challenges lors de l’expansion de l’entreprise a été de trouver le bon équilibre sans renoncer à sa philosophie. L’implantation des usines Toyota à l’étranger a nécessité le déplacement d’une légion de formateurs japonais afin de former leurs apprentis sur un mode Sensei. Ces filiales ont mis en œuvre des méthodes hybrides, sans toutefois compromettre les principes fondamentaux. Elles ont ainsi obtenu des résultats tout aussi impressionnants que ceux de Toyota au Japon.

Toutes les organisations n’ont ni le temps, ni les ressources d’engager un régiment de formateurs japonais issus des rangs de Toyota. Et ce ne serait pas d’une grande utilité compte tenu de la diversité des secteurs faisant appel au Lean. Toutefois, consacrer un peu de temps pour examiner la perspective toyotiste du Lean laisse entrevoir une panoplie de moyens permettant un déploiement réussi. Identifier les écarts culturels revient à identifier les leviers et les freins culturels à son application. Cela permet de faire les ajustements jugés nécessaires et d’allouer plus efficacement les ressources lors de la conduite du changement. Une fois le sens et la direction saisis, le Gemba pourra proposer des adaptations en adéquation avec le contexte local ce qui, par répercussion, assureront la pérennité de la transformation.

Car en définitive, le Lean c’est avant tout de la réflexion dans une perspective systémique et un peu de bon sens. Sa pratique développe la capacité de ses praticiens à dépasser leurs biais cognitifs pour aborder les questions dans leur technicité.

 

Approches systémiques et analytiques

 

Les sciences et les concepts sont abordés et développés à l’image de leur contexte culturel. Il existe nombre de domaines qui illustrent le propos, dont celui de la médecine.

 

La médecine occidentale se concentre sur le local. Elle divise le corps en parties dans le but d’étudier le fonctionnement biologique de chaque organe. La médecine chinoise adapte une vision holistique, en considérant le corps humain dans sa globalité. Ainsi, elle vise à réguler les flux d’énergie qui circulent dans le corps sous la forme d’un souffle énergétique, le Tchi, qui a pour missions d’assurer une cohésion au niveau du microcosme (les différents organes) et du macrocosme (l’individu/l’univers). Chacune de ces deux approches présente ses avantages, et elles sont en réalité complémentaires.

 

Le domaine de l’interculturel a vu le jour en Occident, plus précisément en Europe et aux États-Unis. L’approche interculturelle utilise la segmentation des domaines et classifie les données sur des échelles propres, sans forcément les mettre en relation les unes avec les autres. C’est une approche purement analytique. Néanmoins, cette approche fractionnée permet d’appréhender des notions complexes. Le fait d’identifier, de décortiquer et de classifier les comportements acceptés et attendus au sein d’une culture, sur des échelles indépendantes, en simplifie la compréhension. Une fois les dimensions maîtrisées, on peut passer au stade suivant : l’interculturalité au sein d’un contexte dynamique.

 

A contrario, le Lean a été façonné au sein d’une culture holistique, celle du Japon. Alors que Frederick Winslow Taylor – le fondateur du taylorisme – avait séparé la planification et la production, Taiichi Ohno – le fondateur du Lean – les a réunies. La contribution de ces deux acteurs au Lean est d’une importance capitale : les études du temps et des mouvements ainsi que la standardisation du travail pour Taylor, l’interdépendance et la dimension humaine pour Ohno.

 

Le concept culturel du Lean réunit ces deux approches : il déploie les dimensions culturelles au sein d’un prisme multidimensionnel.